11.7.08

Le chant de l'eau




Le Chant de l'Eau
Emile Verhaeren (1855-1916)
***
L'entendez-vous, l'entendez-vous
Le menu flot sur les cailloux ?
Il passe et court et glisse
Et doucement dédie aux branches,
Qui sur son cours se penchent,
Sa chanson lisse.
Là-bas,Le petit bois de cornouillers
Où l'on disait que Mélusine
Jadis, sur un tapis de perles fines,
Au clair de lune, en blancs souliers,
Dansa ;
Le petit bois de cornouillers
Et tous ses hôtes familiers
Et les putois et les fouines
Et les souris et les mulots
Ecoutent
Loin des sentes et loin des routes
Le bruit de l'eau.
Aubes voilées,
Vous étendez en vain,
Dans les vallées,
Vos tissus blêmes,
La rivière,
Sous vos duvets épais, dès le prime matin,
Coule de pierre en pierre
Et murmure quand même.
Si quelquefois, pendant l'été,
Elle tarit sa volupté
D'être sonore et frémissante et fraîche,
C'est que le dur juillet
La hait
Et l'accable et l'assèche.
Mais néanmoins, oui, même alors
En ses anses, sous les broussailles
Elle tressaille
Et se ranime encor,
Quand la belle gardeuse d'oies
Lui livre ingénument la joie
Brusque et rouge de tout son corps.
Oh! les belles épousailles
De l'eau lucide et de la chair,
Dans le vent et dans l'air,
Sur un lit transparent de mousse et de rocailles ;
Et les baisers multipliés du flot
Sur la nuque et le dos,
Et les courbes et les anneaux
De l'onduleuse chevelure
Ornant les deux seins triomphaux
D'une ample et flexible parure ;
Et les vagues violettes ou roses
Qui se brisent ou tout à coup se juxtaposent
Autour des flancs, autour des reins ;
Et tout là-haut le ciel divin
Qui rit à la santé lumineuse des choses !
La belle fille aux cheveux roux
Pose un pied clair sur les cailloux.
Elle allonge le bras et la hanche et s'inclina
Pour recueillir au bord,
Parmi les lotiers d'or,
La menthe fine ;
Ou bien encor
S'amuse à soulever les pierres
Et provoque la fuite
Droite et subite
Des truites
Au fil luisant de la rivière.
Avec des fleurs de pourpre aux deux coins de sa bouche,
Elle s'étend ensuite et rit et se recouche,
Les pieds dans l'eau, mais le torse au soleil ;
Et les oiseaux vifs et vermeils
Volent et volent,
Et l'ombre de leurs ailes
Passe sur elle.
Ainsi fait-elle encor
A l'entour de son corps
Même aux mois chauds
Chanter les flots.
Et ce n'est qu'en septembre
Que sous les branches d'or et d'ambre,
Sa nudité
Ne mire plus dans l'eau sa mobile clarté,
Mais c'est qu'alors sont revenues
Vers notre ciel les lourdes nues
Avec l'averse entre leurs plis
Et que déjà la brume
Du fond des prés et des taillis
S'exhume.
Pluie aux gouttes rondes et claires,
Bulles de joie et de lumière,
Le sinueux ruisseau gaiement vous fait accueil,
Car tout l'automne en deuil
Le jonche en vain de mousse et de feuilles tombées.
Son flot rechante au long des berges recourbées,
Parmi les prés, parmi les bois ;
Chaque caillou que le courant remue
Fait entendre sa voix menue
Comme autrefois ;
Et peut-être que Mélusine,
Quand la lune, à minuit, répand comme à foison
Sur les gazons
Ses perles fines,
S'éveille et lentement décroise ses pieds d'or,
Et, suivant que le flot anime sa cadence,
Danse encor Et danse.

19 commentaires:

Muse a dit…

jolies photos et beau poème avant d'aller au lit.Douce nuit Tanette

Anonyme a dit…

Belle hommage à notre élément vital, l'eau et le poète a pris le temps de l'observer pour mieux la vénérer, au fil de l'eau. Long poème certes, mais qui vaut le détour, à relire. Bises à tous, bonne journée.

Anonyme a dit…

très beau d'entendre un bouillonnement d'eau....et aussi un texte bouillonnant...!!!

ly

Anonyme a dit…

Bonjour Tanette
Il est toujours agréable de se balader le long d'un ruisseau pour entendre son gazouillis !
Bonne journée
Alain

Anonyme a dit…

Joli texte avec ces belles images très fraiches

Bises
Françoise

PPRene a dit…

...très beau poeme, et photos rafraichissantes, merci Tanette, bon weekend et bisous !

bricol-girl a dit…

En ce moment c'est le chant de la pluie que j'entends...

Anonyme a dit…

Très beau poème ! c'est vrai qu'on peut rester des heures à écouter le doux murmure de l'eau ! bisous tanette et bon vendredi

Brigetoun a dit…

quelle splendeur ces photos !

LyseClo a dit…

Quelles superbes photos j'entends le bouilleonnement et le poème est superbe Bisous Tanette

Anonyme a dit…

ou Le chant de la vie !!

Bises !!

la cachina a dit…

celui là , je vais m'empresser de le recopier
c'est un peu une ode à l'eau vitale et capricieuse

merci

bisous du soleil
jupi

Anonyme a dit…

Que d'eau, que d'eau,élément vital à notre vie. Beau poême de Verhaeren un de mes poêtes préférés. Bon week-end Tanette

Flo de Sendai a dit…

Voila qui est bien joli et rafraichissant !

Bisous Tanette, bon week-end !

Anonyme a dit…

C'est bien vrai :le chant de l'eau est fort agréable et pour certain apaisant ,et rafraichissant .
Très jolie poème .

Allez bonne fin de semaine et bises a vous

Anonyme a dit…

On peut l'entendre partout le chant de l'eau...

Cristina a dit…

Que c'et joli tout cela.
J'écoute le bruit de l'eau et m'endors doucement.
Bonne fin de semaine, Tanette.Bisous.

Fleurdeblog a dit…

L'eau bouillonne et les mots à fleur de peau cherchent une fraicheur... Superbe !

Anonyme a dit…

Un bien joli poème pour illustrer tes photos
Tout ce qui touche à l'eau, je reagrde et écoute, encore plus attentive
Bonne journée